Cantine et cartables lourds sont des 2 sujets de complaintes des parents lors des rentrées scolaires. Je laisse de côté la cantine, pour l'instant. Mais 7 ans après l'apparition de l'iPad (et de ses concurrents), force est de constater que les cartables sont toujours lourds. Surprenant non ? Pas tant que ça, en fait.
Pourquoi ?
- Problème économique: l'édumatique (*) coute cher et le système éducatif n'a pas vocation à gagner de l'argent avec ses outils de travail. Il n'est pas possible d'amortir les investissements par la revente de services ou de produits. Comparez le cout de livres (20-25€) achetés 1 fois et utilisés pendant 5 à 8 ans. Imbattable !
- Problème fonctionnel: quoi qu'on en dise, la petite surface de travail d'une tablette constitue une régression fonctionnelle comparé aux deux pages A4 d'un livre et d'un cahier.
- Problème de contenu: édumatiser les contenus prend du temps et de l'argent. Avant, il y avait plusieurs systèmes d'exploitation, plusieurs formats d'écrans. Ce qui compliquait la tâche des fournisseurs de contenus. Les choses s'améliorent, puisque désormais, un contenu ePub, ou quelque fois PDF, peut se réorganiser en fonction de la taille de l'écran. Quant aux applications, elles doivent être compatibles internet (entendez HTML5) pour pouvoir tourner sur n'importe quel support. Super, me direz-vous. Oui mais à condition que les élèves, et les enseignants soient équipés et formés sur ces nouveaux supports électroniques. Ce qui est loin d'être le cas.
- Problème administratif: le financement des écoles du système éducatif est un millefeuille horizontal et vertical. Jugez plutôt: les enseignants sont rémunérés par l'état, les écoles financées par les mairies, les collèges par les départements, et les lycées par les régions. Les fournitures quant à elles sont payées par les parents. Les livres sont en général financés par les collectivités, bien que la loi ne les y oblige pas. Arrière-pensée électorale peut-être ?
- Problème de gouvernance: c'est le pendant du point précédent. L'état décide des programmes, les enseignants et les directeurs d'établissements choisissent les livres et les contenus numériques dans des catalogues élaborés par les Centres Nationaux/Régionaux/Départementaux de Documentation Pédagogique (les fameux CNDP, CRDP, CDDP). In fine, la problématique est "qui paye quoi ?" et "qui décide quoi et quand ?".
- Problème technologique: la transformation digitale de l'école est confronté aux mêmes problèmes que le monde des entreprises. La technologie évolue sans cesse, et elle implique des changements d'organisation, de pensée, et des investissements importants et continus dans la formation des enseignants et des moyens édumatiques. Maintenant imaginez une entreprise où il y a 1,2 millions d'employés (les enseignants) et 12 millions de clients (les élèves). Un marché captif, certes, mais une entreprise gigantesque, dans les 2 sens du terme. Pas facile à manœuvrer. Bon courage M. Blanquer !
- Problème de preuve: je garde la cerise du gâteau pour la fin. Tout le monde s'accorde à penser que le numérique est important, pourtant le rapport PISA de 2015 ne constate pas une amélioration flagrante de la qualité et de la rapidité d'apprentissage grâce aux moyens édumatiques. Au contraire, il enfonce le clou, je cite: "…garantir l’acquisition par chaque enfant d’un niveau de compétences de base en compréhension de l’écrit et en mathématiques semble bien plus utile pour améliorer l’égalité des chances dans notre monde numérique que l’élargissement ou la subvention de l’accès aux appareils et services de haute technologie."